À en croire les intervenants de la table ronde « Comment arriver à du 100% d’EnR dans les ZNI ? », il est techniquement possible de produire de l’électricité en Polynésie grâce aux seules énergies renouvelables. Mais est-ce un objectif qu’il faut atteindre ? La société est-elle prête aux changements que cela va impliquer ? L’État, le Pays, la French Tech s’alignent en guise de réponse autour du concept de sobriété énergétique.
« Les crises actuelles imposent une réponse concrète aux vulnérabilités économiques, sociales, géopolitiques et environnementales liées à notre système énergétique très fortement dépendant des importations de pétrole », a indiqué Ella Camart de la Tep pour lancer la table ronde « Comment arriver à du 100 % d’EnR dans les ZNI ? »
Avant de répondre à la question, quelques définitions s’imposent. Les EnR sont les énergies renouvelables. Les ZNI, les zones non interconnectées, sont les territoires français non reliés au réseau métropolitain continental. En Polynésie, l’électricité est produite à un peu plus de 60 % grâce au pétrole. Le reste est produit par un mix énergétique (hydro et solaire).
Pour tous les intervenants de ce rendez-vous, il est possible techniquement d’atteindre les 100% d’EnR en Polynésie. Vetea Vitrac, directeur général de la Tep a donné pour exemple l’île de Kauai à Hawaii. Cette île est équivalente en bien des points à Tahiti : superficie, réseau électrique, nombre d’habitants. En 2009, l’île utilisait du fuel lourd à 91% pour produire son électricité, en 2021, ce pourcentage était tombé à 36. « Pour y parvenir, ils ont mis en place une politique agressive de développement de fermes solaires », rapporte Vetea Vitrac. « Or nous ne sommes pas moins intelligents qu’eux, il n’y a pas de raison que ce modèle ne puisse pas être dupliqué. » Mais encore faut-il que la société polynésienne « prenne conscience d’aller vers ça », a soulevé Yann wolff directeur général de Marama Nui et directeur d’exploitation chez EDT. Augmenter la part des EnR c’est changer son mode de consommation, c’est voir les paysages transformés.
Atteindre 75 voire 100% d’EnR, d’accord, mais à quel coût et comment ? Est-ce le bon objectif ? En Polynésie, en raison du prix de l’électricité, une intéressante marge de manœuvre existe pour mettre en place diverses solutions. Aujourd’hui existe l’hydroélectricité, le solaire dont la part devrait augmenter grâce aux projets de fermes solaire. Des études sur l’éolien ont suggérer de lancer un démonstrateur, un atlas du potentiel houlomoteur est en cours de réalisation. Des obstacles existent sur le chemin de la transition énergétique. Le solaire par exemple est extrêmement gourmand en foncier, sa production n’est pas stable. Il faut aussi savoir que si le parc automobile passe au tout électrique ou presque tout électrique, la demande en énergie va exploser. « Ce qui n’est pas encore considéré » a expliqué Yann Wolff.
La question derrière le titre de la table ronde est de réduire son empreinte carbone tout en maintenant les coûts. La sobriété énergétique est une solution parmi d’autres. Elle consiste en la diminution des consommations d’énergie rendue possible par des changements de modes de vie et des transformations sociales. Dans un contexte marqué par l’accélération du changement climatique et le conflit ukrainien, la transition énergétique de la France est plus que jamais la priorité. La France doit sortir de sa dépendance aux énergies fossiles et réduire de 40% sa consommation d’énergie d’ici 2050. C’est dans ce contexte que la Première ministre Élisabeth Borne et le ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher ont officiellement présenté le plan de sobriété énergétique national le 6 octobre dernier. La Polynésie pour sa part a son ambitieux plan de transition énergétique 2015-2030. Il vise trois axes : changer de modèle énergétique, changer nos comportements et changer de modèle économique de l’énergie pour atteindre 75% d’EnR en 2030.
Pour la French tech, favoriser le développement d’énergies propres et renouvelables compte parmi les principaux objectifs. La Polynesian tech, communauté French Tech Polynésie, se positionne comme le Hub de la Tech4islands qu’elle a initié pour faire émerger, accompagner et propulser à l’international, sur l’axe Indo-Pacifique des solutions innovantes Tech For Good plus écologiques pour la planète. Pour Capucine Moyrand, Community Lead de la French Tech Polynésie, les grandes thématiques du Tech4islands sont cohérentes avec le grand cap du Pays. « Tout cela est très pertinent pour notre territoire, si riche. Mais il faut qu’on aille plus vite, il faut plus d’ambition, soutenir plus de projets. » Elle espère pouvoir mettre l’accent sur l’accompagnement des startupers.
Crédit photo : Delphine Barrais