La journée de jeudi était consacrée à l’innovation publique. Le premier #SmartMeeting de la journée s’est ouvert sur la collaboration entre la sphère publique et la sphère privée. La table ronde fut particulièrement riche et le débat profond. Beaucoup de questions se posent sur l’étendue des initiatives du privé : n’empiètent-elles pas sur les compétences du public ? La question est apparue au niveau mondial avec les géants du Web, notamment les GAFA, qui sont devenus des entités économiques plus puissantes que les États, en terme financier, en récolte et analyse de données. La création de Libra, la crypto-monnaie de Facebook, en est un des exemples. La collaboration entre le public et le privé a toujours existé mais cette collaboration est-elle toujours au service de l’intérêt général ? « Le but des entreprises n’est pas l’intérêt général mais la création d’un service monétisé pour gagner de l’argent, a souligné Salwa Toko, fondatrice et présidente de l’association BECOMTECH, et présidente du Conseil National du Numérique. L’État doit mettre un cadre sinon cela creusera les inégalités et les pauvretés. Il doit assurer que l’intérêt général est respecté quand les entreprises veulent s’immiscer dans des compétences de l’État. »
En Polynésie française, une expérience a été menée par l’administration fiscale pour mieux comprendre les attentes des usagers et intégrer le digital suivant leurs besoins. En mai 2019, Claude Panero a organisé le premier séminaire public-privé fiscal en Polynésie française pour « Penser le service public fiscal de demain »… Cet événement a regroupé une soixantaine de participants du secteur privé et public, ainsi que des usagers des services fiscaux. « La co-construction pour l’administration c’est la déconstruction », a souligné Claude Panero en revenant sur cette expérience collaborative qui a remis en question certaines pratiques et visions. « Grâce aux outils technologiques, il est désormais possible de mesurer les impacts de l’administration et donc mieux orienter toutes les politiques publiques », a réagi Paul Duan, fondateur de l’ONG Bayes Impact dont la mission est de mettre la technologie au service du « bien commun ». Pour Valérie Morignat, CEO de la société de conseil en Intelligence Artificielle Intelligent Story à San Francisco, les technologies « doivent apporter des solutions ». « Il faut qu’on utilise toutes les ressources technologiques et intellectuelles que l’on a pour apporter des solutions pour contrer la dégradation de la biodiversité. » Malheureusement certaines technologies sont utilisées pour mieux cibler les consommateurs, accroître les ventes… Il faut renverser leurs usages et les gouvernements ont un rôle à jouer.
Encourager l’innovation privée et la création de technologie pour répondre à des besoins, mais aussi réguler les entreprises privées, l’État doit renforcer sa place comme entité neutre qui préserve l’intérêt général. Mais la collaboration fonctionne. Le public a besoin du privé et inversement. En Polynésie française, Smart Polynesia est un exemple de travail en collaboration entre la sphère privée et la sphère publique. « Nous gardons nos aires de jeux respectives mais nous convergeons vers l’intérêt général. On conduit ensemble les actions de développement du Pays. On l’a fait, c’est possible, il faut mettre de côté ses intérêts particuliers », a conclu Olivier Kressmann, le président du Digital Festival Tahiti.
Grâce à la technologie et à la formation, les populations des territoires insulaires peuvent prendre leurs destins en main. Gaël Musquet, fondateur de l’ONG de prévention des crises, HAND (Hackers Against Natural Disasters) et Farid Humblot, directeur outre-mer de Simplon.co, démontrent par leur expérience, lors d’un #Keynote organisé jeudi au #DFT2019, que le citoyen peut agir dans la prévention des crises. « En Métropole, il n’y a pas de culture du risque. On considère que gérer la crise, ce n’est pas le business du citoyen mais c’est l’affaire des autorités et des services d’urgence. » Les territoires d’Outre-mer prouvent le contraire ! « Sur les territoires insulaires, on a l’habitude de la précarité énergétique, des catastrophes naturelles. » Un territoire est en capacité d’être autonome en informant, formant et alertant. « Chaque citoyen a son rôle à jouer dans la prévention des catastrophes naturelles », assure Gaël Musquet, qui a déjà bricolé en l’espace de quelques jours dans sa chambre d’hôtel à Tahiti, de quoi communiquer avec une partie du monde ! Un émetteur radio et une batterie suffisent pour faire des transmissions. Grâce à des capteurs, les mêmes que l’on trouve dans les téléphones portables, il est possible de détecter des ondes sismiques. Aujourd’hui, à l’heure des technologies ultra performantes, certaines îles ou populations restent encore coupées du monde plusieurs heures, voire plusieurs jours (trois à Marie-Galante après une catastrophe en 2017). Grâce à des formations, les enfants apprennent les bons réflexes et transmettent l’information à leurs parents. Si les citoyens sont informés et savent comment réagir lors d’une catastrophe, ils ne paniqueront pas, assurent Gaël et Farid. Il s’agit aussi de former aux technologies du numérique, que chaque citoyen ne soit pas seulement consommateur mais aussi acteur et s’approprie le numérique. « En créant cette dynamique, cela montrera la puissance de nos territoires. »