Un premier #SmartMeeting ce vendredi portait sur l’inclusion numérique. La question de l’inclusion numérique relève non seulement d’une problématique d’accès aux services publics, d’une montée en compétence des populations défavorisées, mais également d’un problème d’exclusion citoyenne pour ceux qui n’ont pas accès au réseau. Un sujet majeur pour nos territoires insulaires, d’autant plus que l’accès à l’Internet a été considéré en 2016 par les Nations Unis comme partie intégrante des Droits de l’Homme.
Pour Salwa Toko, fondatrice et présidente de l’association BECOMTECH et présidente du Conseil National du Numérique, « le numérique est une nouvelle philosophie que les gens doivent digérer pour comprendre le monde dans lequel on vit. C’est une nouvelle perception du monde ». Il est donc vital que tout le monde puisse accéder à cette culture numérique. Or « 15 à 20 millions de personnes sont exclues du numérique, tant de ses usages que de ses intérêts ». C’est le devoir de l’État d’inclure ses citoyens et de ne pas lui ôter ses droits et devoirs, d’autant qu’il souhaite dématérialiser totalement l’administration d’ici 2022. Après l’expérience ratée des espaces publics du numérique, le Gouvernement met en place des Maison France Service : « des lieux physiques pour que les gens s’approprient ces techniques virtuelles ».
Farid Humblot, directeur outre-mer de Simplon.co, a aussi créé des lieux de formation et d’appropriation du numérique pour que les citoyens ne soient plus seulement des consommateurs mais aussi des acteurs. Des espaces éphémères, ouvert dans un immeuble, où tous peuvent venir se former. « Il faut reconnecter les gens au réseau, au savoir et entre eux. Nous organisons donc des formations numériques autour d’un sujet. Et c’est autour de ce sujet qu’on parvient à reconnecter une population. » Pour Farid Humblot, le numérique est une nouvelle philosophie mais aussi un objet politique. Olivier Pôté, directeur de la fondation FACE Polynésie française, travaille aussi à partir des usages pour amener vers les nouvelles technologies. « Le numérique est un super outil d’accès au droit, à la formation mais cela nécessite un outil, une connexion et de la compétence pour s’en servir. Si on n’a pas un seul de ces trois paramètres, on est exclu. » Une chef d’entreprise lui a fait cette réflexion : « Hier, les gens qui ne savaient pas lire ni écrire étaient exclus du monde du travail. Aujourd’hui, ce sont les personnes qui n’ont pas de permis de conduire qui le sont. Demain, ce sera ceux qui ne connaissent pas le numérique. » Chez FACE, ils montent des programmes pour connecter les personnes au numérique et quand celles-ci comprennent les usages qu’elles peuvent en faire, ça marche. « Ce n’est pas la peine de dire qu’une imprimante 3D est génial mais il faut montrer à quoi elle peut leur servir. »
Laura Hosman, professeure à l’Arizona State University, ainsi que co-fondatrice et directrice de SolarSPELL, a inventé une bibliothèque numérique alimentée à l’énergie solaire hors ligne pour les sites à faibles ressources. « La moitié de la population du monde n’est pas encore connectée, précise-t-elle. La technologie c’est facile, mais ce sont les compétences qui freinent. Sans développement des compétences, la bibliothèque numérique resterait inutilisée. Il faut un large éventail de compétences pour utiliser Internet et savoir ce qui est vrai, faux, ce qui est digne de confiance ou suspect et où chercher toutes ces informations. » Avec sa bibliothèque numérique, elle permet d’amener l’information digitale dans des lieux sans électricité et sans Internet. A l’Open Hackademy, grande École du Numérique dédiée aux Logiciels Libres créée par Céline Charpiot-Zapolsky, les étudiants apprennent à apprendre. « Nous les rendons autonomes en apprentissage. » Ils s’exercent sur de véritables projets d’entreprises et non pas des projets théoriques. Une pédagogie couronnée de succès : les étudiants, souvent en rupture avec le monde du travail et celui de l’école, retournent à l’emploi ou reprennent leurs études. Le numérique est aussi une chance.
Tous les participants se sont accordés sur cette vision du numérique qui ne doit pas être déshumanisé. Il faut des lieux physiques d’apprentissage. Mais il faut aussi laisser un petit chemin d’alternatives aux personnes totalement réfractaires pour différentes raisons, car il est impossible de les exclure. Il a aussi été question de cette problématique, soulevée par Salwa Toko : « C’est la première fois qu’on demande à la population d’avoir ses propres outils et donc d’acheter ces outils. »